L'accident - récit rapporté

Ce genre d'événements n'arrive en moyenne qu'une fois tous les dix ans. 

Cette "fois" s'est passée cette année, au cours de l'été. 

Tout avait pourtant bien commencé. Un coin de canal agréable, des moutons en bonne santé, un chien de protection fidèle au poste et des filets bien posés. Au bout de quelques jours d'éco-pâturage paisible, des "on" viennent remettre en cause l'installation de la clôture, jugée dangereuse car trop proche de la route. Le contre halage peut avoir ses contrariétés. L'endroit était idéal pour la sécurité du troupeau mais il faut s'adapter. Le terrain un peu plus loin est moins malléable, les piquets déplacés semblent malgré tout tenir, l'un d'entre eux peut-être un peu moins bien que les autres mais... Croisons les doigts, ça devrait aller.

Une nouvelle semaine passe, la vie continue, les tensions distancielles sont apaisées jusqu'au jour où... 

Le piquet un peu plus faible que les autres tombe, il est 21h passées, les brebis se sentent pousser des ailes, la voie est libre !

De ce qui pourrait sembler être un commun accord, les 300 bêtes décident d'aller voir si l'herbe ne serait pas plus verte de l'autre côté de la route.

Au même moment, un 4x4 est engagé dans cette direction, il roule normalement et est à ce qu'il fait : il conduit. 

Comment aurait-il pu se préparer à une rencontre aussi impromptue ? 

Lorsque le conducteur réalise ce qui est en train de se passer sous ses yeux, il est trop tard. Son véhicule est au milieu du troupeau.

Le choc est fatal. La voiture se sacrifie et protège de son enveloppe de métal son conducteur, ce n'est "que du matériel".

Côté vivant, le résultat n'est pas le même, 20 brebis plus ou moins prêtes à agneler sont percutées, écrasées et meurent sur le coup. 

Le drame redouté est arrivé. Il n'aura fallu qu'un seul piquet et une rencontre non désirée.

La suite... on peut l'imaginer, une brèche dans laquelle les détracteurs ne manqueront pas de s'infiltrer. 

Les assurances entrent en jeu et font leur boulot. L'éleveur est seul responsable.  Le conducteur, lui, est désolé, tout autant que le berger.

Les animaux blessés sont rapatriés à "l'infirmerie" pour être soignés et la vie doit continuer. 

Un jour, un événement. 

Puis ce sont les services vétérinaires qui débarquent, les gestionnaires du réseau routier, les élus, la gendarmerie, les curieux... 

Chacun y va de son questionnement, de son incompréhension, de sa réflexion. 

Il faut savoir gérer, être disponible,  il faut savoir répondre, se justifier, se protéger, se défendre, connaître la loi, connaître ses droits, s'adapter, réfléchir et surtout avancer avec de nouvelles idées et des solutions à proposer pour garder la possibilité de continuer à travailler.

Creuser chaque élément et remonter jusqu'aux racines de toute chose, être infaillible et en capacité de constamment anticiper, de s'adapter même face à ce total inconnu, cette part inévitable d'imprévus que constitue le vivant. 

Et une question subsiste...

Les codes humains imaginés tiennent-ils compte de la subtilité, de la liberté du comportement animal ? 

Pouvons-nous, devons-nous vraiment tout maîtriser ?