La voix du berger

Ce soir je suis une petite souris. Je suis invitée à participer à une réunion de bergers. Temps de travail hebdomadaire pour faire le point sur la semaine passée et celles à venir. L'occasion pour chacun de s'exprimer, de partager ses ressentis, ses émotions, ses visions et aussi ses doutes, ses contrariétés,ses frustrations. Le tout dans l'espoir d'être entendu par le collectif.

Berger n'est pas un métier de tout repos et plus l'équipe grandit, plus les énergies se modifient.

C'est un jeu constant d'équilibres et de déséquilibres pour atteindre une harmonie qui fasse consensus.

A défaut d'avoir pris la route et d'être attablée en plein air face à une vue imprenable sur le territoire, je suis à la ville, oreille suspendue au téléphone. De temps en temps on m'interpelle, suis-je toujours présente ? Esprit es-tu là ? J'en souris.

Il est vrai que je reste discrète, silencieuse. Je ne veux pas troubler les échanges, je préfère m'imprégner de l'atmosphère essayer de comprendre ce qui est en train de se vivre. J'écoute, j'observe...

La réunion est dense, le rythme intense. Je croyais être fatiguée de ma semaine de classe, je préfère éviter de m'imaginer si j'avais vécu des journées suivant la course du soleil à soigner, transhumer, garder, nourrir.

Chacun puise dans ses ressources et s'épuise. Est-ce juste la période qui veut ça ? Plus que quelques jours, semaines à tenir pour espérer un mieux-être ? Pas sûr...

De mon côté j'ai cette liberté d'avoir des horaires fixes à "haute responsabilité" , le reste du temps le relai est passé, je peux respirer, m'organiser comme je l'entends. Un électron libre qui choisit ses dépendances.

Avec les animaux, c'est différent. Bien sûr cela part d'un choix initial, en même temps a-t-on dès le départ toutes les clés pour comprendre la multiplicité des enjeux?

S'octroyer le luxe d'une sortie peut vite tourner en catastrophe et être sanctionné. On se programme un temps décroché, une sortie ciné et à peine installés le téléphone retentit: un troupeau est sorti, le collègue est embourbé, un agri est contrarié.

De nouvelles situations à gérer... que faire ? Se mettre en pause ? S'en laver les mains ? Après moi le déluge ? La conscience ne l'autorise pas.

Adapte-toi, réagis, apportes des solutions efficaces car tout est interconnecté.

Si un élément fait défaut, c'est tout le système qui peut s'ébranler. 

Jongler, s'équilibrer et... s'oublier ? Jusqu'à quand ? 

Le berger seul le sait....